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COMPRENDRE LES COMPÉTENCES NON TECHNIQUES (CNT)

19 septembre 2025 Lettre 3AF
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Par Pascal Berriot, ex-pilote de chasse, directeur des études à la Division des Vols de Salon-de-Provence, instructeur militaire et civil et auteur de plusieurs ouvrages aéronautiques

 

Les Compétences Non Techniques, dites CNT, entrent en jeu quand un opérateur de système doit décider et agir dans le cadre d’une activité dynamique pouvant présenter des variantes, des aléas, des contraintes, et des risques, par exemple le vol (de loisir) ou le contrôle aérien.

 

« L’erreur humaine ne peut être éliminée, mais des efforts peuvent être faits pour minimiser, détecter et atténuer les erreurs en veillant à ce que les personnes disposent des compétences non techniques appropriées pour faire face aux risques et aux exigences de leur travail. » […] « Les compétences non-techniques sont les compétences cognitives, sociales et personnelles qui complètent les compétences techniques et contribuent à une exécution sûre et efficace des tâches ». (Rhona Flin et al. / Safety at the sharp end: A guide to Non-Technical Skills – 2008).

 

Afin de coller aux particularités des formations LAPL1 et PPL, les documentations de la FFA (Fédération Française Aéronautique) ont retenu cinq CNT (cf. Boite à outil FFA/Guide d’évaluation CBT à l’intention des instructeurs FFA - 2018).

  1. Conscience de la situation.
  2. Prise de décision.
  3. Affirmation de soi et gestion des ressources.
  4. Gestion de la charge de travail.
  5. Gestion du stress et de la fatigue

1 - LAPL : licence de pilote d’avions légers ; PPL : licence de pilote privé.

 

CONSCIENCE DE LA SITUATION (CS)

 

C’est « La perception des éléments de l’environne- ment dans un volume spatial et temporel, la compréhension de leurs significations, et la projection de leurs états dans le futur proche » (Endsley & Garland, 2000).

 

« La CS, c’est le radar mental du pilote sur la situation présente et à venir » (JG Charrier – Mental Pilote).

 

« Capacité d’un pilote à appliquer sa vigilance sur l’environnement interne et externe à l’avion. Cela se traduit par la capacité à détecter et identifier un état ou un changement d’état d’un système ou de l’environnement.

 

Cette capacité sous-entend : la conscience des systèmes avion ; la conscience de l’environnement ; la conscience du temps » (Guide d’évaluation CBT à l’intention des instructeurs FFA – 2018).

 

Trois niveaux de CS

Le modèle explicatif fréquemment retenu en aéronautique est celui d’Endsley (1996). Il distingue 3 niveaux de CS : (1) la perception, (2) la compréhension et (3) la projection.

  • Le niveau 1 correspond à la perception des éléments internes (dans l’avion) et externes (l’environnement). Concernant les éléments internes, il s’agit d’informations visuelles (instruments, écrans, témoins lumineux), sonores (bruit du moteur, avertisseurs sonores, messages radio), sensoriels (efforts, pressions, vibrations, accélérations, etc.). Pour les éléments externes, il s’agit de la perception des caractéristiques telles que la taille, la couleur, la vitesse, le grossissement, le défilement ou encore la position des reliefs, piste, avions, nuages, ligne d’horizon, etc. Une perception erronée (une illusion sensorielle), peut être à l’origine d’erreurs.
  • Le niveau 2 correspond à la compréhension de la situation qui se présente au pilote. L’interprétation et la compréhension d’un ou plusieurs éléments de la situation requiert un certain niveau de connaissance et de raisonnement. La construction de la représentation est un processus alimenté par deux flux d'informations : un flux « ascendant » émanant de la perception de l'environnement (circuit visuel, écoute radio, ressentis sensoriels), et un flux « descendant » dirigé par les connaissances activées (les mémoires, le raisonnement). Parfois, seules les connaissances d’une procédure, d’un mode d’emploi, d’une règle, ou d’une information peuvent suffire à comprendre une situation. Dans d’autres cas, la représentation peut nécessiter de se référer à un raisonnement forcé et plus profond (interprétations de signaux faibles par exemple).
  • Le niveau 3 correspond à la projection d’états futurs de la situation. La capacité à évaluer les conséquences et la tournure future d’une situation selon sa dynamique d’évolution présente et passé est rendue possible par le traitement intellectuel des informations issues des niveaux 1 et 2. Les facultés cognitives permettent un traitement des informations plus ou moins rapide et adapté, débouchant sur une décision-action.

Une « forte CS » indique que le pilote a une compréhension précise de sa tâche, qu'il intègre les différents éléments de l'environnement dans une image cohérente en relation avec le contexte global de sa mission et qu'il est synchronisé avec la dynamique de la tâche.

Une « faible CS » renvoie à l'expérience d'être perdu, d'être confronté à une complexité sans cohérence apparente, d'être derrière l'avion, donc déphasé par rapport à la forte dynamique externe. (X. Chalandon 2013).

Figure Modèle de la CS D’Endsley.

 

La CS, indissociable de la décision et de l’action, consiste par exemple :

  • à regarder le ciel au loin ou lire les bulletins météo (perception) → déceler les éventuelles menaces météo (interprétation-compréhension)

→ mesurer les risques et les difficultés à venir (projection future) → retarder ou annuler la navigation (décision-action) ;

  • à entendre un bruit bizarre et observer un paramètre moteur douteux (perception) → suspecter un probable défaut d’alimentation du carburant ou du circuit d’allumage (interprétation-compréhension) → juger qu’il y a un risque potentiel de panne de moteur (projection future)

→ faire demi-tour pour se poser ou se dérouter (décision-action).

Facteurs affectant la CS

Il existe pas mal de facteurs qui peuvent affecter la bonne conscience de la situation. En voici quelques- uns :

  • l’ambiguïté : les informations provenant de deux 
  • ou plusieurs sources ne concordent pas ;
  • la focalisation attentionnelle (fixation, focus) : se concentrer sur une chose à l'exclusion de tout le reste ;
  • le défaut de vigilance ou d’attention : un défaut d’attention est une des causes assez souvent évoquées comme étant à l’origine d’incident ou accident ;
  • la confusion : une situation qui se complexifie peut devenir confuse au point d’embrouiller la compréhension ;
  • l’inattendu : une situation inattendue n’a pas besoin d’être spectaculaire pour prendre le pilote en défaut ;
  • le manque ou bien la pléthore d'informations : les applications de préparation et suivi du vol sur tablettes présentent beaucoup d’informations et de possibilités ;
  • les informations dissimulées : le piège de certains systèmes gérés par des automatismes et des interfaces à écrans est la dissimulation de certaines informations. Par exemple, le pilote automatique peut dissimuler un déroulement de trim.
LA PRISE DE DÉCISION

Les premières études sur la cognition visaient à assimiler le système décisionnel à un processeur devant choisir parmi plusieurs options possibles :

« Prendrai-je du fromage ou un dessert ? » ; « Je décolle maintenant, je reporte, ou j’annule le vol ? ». Mais l’étendu du champ de décisions est en fait bien plus grand et surtout plus complexe et plus raffiné que le simple choix d’une option parmi d’autres.

 

Processus de décision

Le processus de décision ressemble à une boucle cyclique comprenant quatre phases importantes :

  • phase 1 : la perception ; la recherche ; et le recueil d’informations ;
  • phase 2 : le traitement de l’information avec l’analyse de la situation ; le raisonnement logique ; l’inventaire des solutions (options possibles), l’évaluation des risques et leur confrontation aux savoir-faire, aux procédures, au temps disponible et autres impératifs ;
  • phase 3 : le choix d’une solution, c’est-à-dire la décision ;
  • phase 4 : l’exécution et le contrôle de l’option retenue.

Facteurs influençant la prise de décision

Trois grandes catégories de facteurs influencent la

prise de décision :

  • des facteurs psycho-sociaux : l’ego, le regard des autres ou celui de l’instructeur, etc. ;
  • des facteurs cognitifs : les biais, les émotions, les pulsions, la personnalité, etc. ;
  • des facteurs contextuels : les procédures, les dangers, les contraintes de temps et d’argent, les impératifs de résultat, le confort des passagers, etc.

AFFIRMATION DE SOI ET GESTION DES RESSOURCES

Affirmation de soi

« L’affirmation de soi est l’aptitude à prendre ses responsabilités et à ne pas se laisser influencer. » (Aéro-Club du CE Airbus France Toulouse ACAT).

  • Prendre ses responsabilités : il s’agit entre- autres de la bonne application des règles de l’air, pour soi-même, les passagers, mais également et surtout vis-à-vis des autres usagers. Cela suppose un engagement conscient et proactif vis-à-vis de ces règles.
  • Ne pas se laisser influencer : il existe un tas de facteurs qui peuvent sournoisement influencer le comportement, la perception, l’analyse, les réactions, les choix, et au final les décisions. S’affirmer requiert une certaine ouverture d’esprit pour résister aux pressions et rester lucide.

Il existe également des facteurs d’influence externes : pressions temporelles (l’heure de retour), pressions liées à l’enjeu du vol (investissement personnel ou financier, etc.), influences de l’organisation (un ordre du contrôle, des habitudes, des méthodes particulières). Et aussi des facteurs internes : pressions relationnelles, égo, entourage, ressentis moraux, stress, fatigue.

 

Gestion des ressources

« C’est l’aptitude à utiliser les ressources disponibles et à organiser les tâches en fonction de ces ressources. » (ACAT).

 

Les ressources nécessaires pour effectuer un vol en sécurité se situent dans plusieurs domaines qui interagissent dynamiquement. Les ressources dont il s’agit ici sont de trois ordres :

les ressources intrinsèques du pilote : ce sont les ressources cognitives telles que les connaissances, l’éveil, l’intuition, la logique, l’expérience, l’attention, etc. ; et les ressources physiques comme la force, la coordination motrice, la souplesse, l’endurance, le dynamisme, etc. ;

  • les ressources internes au cockpit de l’avion : documents, systèmes de gestion du pilotage et de l’avion, radio, aides à la gestion du vol, autres ;
  • et les ressources externes : contrôle aérien, moyens de radio balise, autres.

On peut également résumer les ressources plus simplement : le pilote, l’avion, le contexte et l’environnement. Les deux premières formant les ressources dites « internes », les deux autres étant « 

GESTION DE LA CHARGE DE TRAVAIL

« Aptitude à clarifier et définir les priorités, planifier et organiser les tâches en fonction de la situation ainsi qu’à gérer les interruptions : ne pas laisser les tâches secondaires interférer avec les tâches essentielles. Être attentif à son état de stress et de fatigue. » (ACAT).

Charge de travail

La charge de travail du pilote est le coût en ressources physiques et cognitives dédié à effectuer une ou plusieurs tâches. Il s’agit plus précisément du niveau de ressources cognitives requis pour répondre à l’exigence d’une tâche sous contrainte de temps (faible durée ou faible préavis).

 

La sensation d’être débordé, précipité, bousculé, stressé dans l’accomplissement d’une tâche dépend de trois paramètres : l’échéance temporelle (durée ou préavis) ; l’exigence de la tâche (déroulé d’une procédure, surveillance d’un système complexe, partage attentionnel sur plusieurs choses) ; et l’investissement ou le partage des ressources cognitives.

Comment gérer la charge de travail ?

Gérer la charge de travail ou la charge mentale revient à se préoccuper d’un ou plusieurs des trois éléments suivants : l’échéance temporelle, l’exigence de la tâche, le niveau de ressource consacré.

  • Gérer la durée ou le délai : pour éviter le stress ou une erreur sous pression temporelle, il faut en permanence anticiper tout ce qui peut l’être (gestion du moyen et long terme). Chaque petit moment tranquille doit être consacré à regarder le paysage certes, mais aussi à préparer les choses qui vont ou pourraient se dérouler dans les 5, 10, 20 minutes à venir.
  • Diminuer l’exigence de certaines tâches : prioriser les tâches selon leur importance ou l’urgence de la situation : premièrement piloter l’avion, deuxièmement gérer les systèmes. Et non-pas l’inverse. Ne pas laisser les tâches secondaires interférer avec les tâches essen- tielles. Exemple : reprogrammer une route sur sa tablette alors que la situation de vol est elle-même exigeante (en circuit d’aérodrome ou dans des conditions météo dégradées).
  • Gérer le niveau de ressource : se faire éventuellement aider de la place droite ou du contrôle, s’épargner d’éventuelles sollicitations ou distractions, éviter l’épuisement mental en gérant sa réserve attentionnelle, éviter les dispersions mentales par trop de bavardages avec des passagers, etc.

GESTION DE LA FATIGUE ET DU STRESS

La fatigue

Des tas de facteurs peuvent être à l’origine du ressenti de fatigue : un manque de repos ou de sommeil (réveils nocturnes, décalage horaire, apnée du sommeil), un problème de santé, un surmenage, un problème de santé psychique (mal-être, dépression), des difficultés de vie, une réaction ou inadaptation à l'environnement (démotivation professionnelle, appréhension d’une épreuve ou d’une situation, stress psychologique), etc. Il importe de se pencher sur cette problématique pour en trouver la cause et mettre en place une stratégie orientée contre la source de fatigue. Ce sont parfois des recommandations simples, par exemple :

  • éviter la dette de sommeil ; dormir en quantité suffisante ;
  • s’alimenter sainement et sans abus, surtout le soir ;éviter l’abus d’alcool et de café, surtout le soir ;
  • pratiquer une activité physique ;
  • éviter l’excès de smartphone, notamment avant l’endormissement.

Quelles solutions si on se sent fatigué ?

  • Reporter ou annuler le vol : cela paraît évident. La réalité des faits et de certains accidents montre qu’il n’est pas simple de toujours tenir compte de son état de fatigue.
  • Pendant un vol de longue durée, il faut essayer de maintenir un « état optimum de réponse mentale » en évitant une trop grande « dispersion 
  • mentale », ou « l’endormissement cognitif » dans les phases d’inaction.

La gestion du stress

« Face à une situation stressante, l’individu procède à une double évaluation : d’une part les contraintes de la situation (dangers, enjeux, menaces, difficultés), et de l’autre ses propres ressources et capacités pour y faire face. Le stress survient lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes imposées par l’environnement ou la situation, et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. » (Modèle de Lazarus et Folkman - 1984).

 

En aéronautique, « gérer le stress » est un travail personnel visant à mettre en œuvre des stratégies dirigées contre le (s) facteur (s) de stress, mais également contre le stress lui-même. Il s’agit tout d’abord d’identifier précisément l’élément stressant (l’origine), puis à mettre en place des réponses centrées prioritairement sur la tâche, la procédure, ou la résolution du problème et non pas sur l’émotion négative, le ressenti de peur, ou l’évitement de la situation. Par exemple, pour minimiser l’appréhension d’une panne moteur en campagne, il convient de répéter mentalement la procédure et de s’y entrainer régulièrement. Par ailleurs, le stress peut se gérer en ayant recours à des « outils anti-stress ». Ces outils se divisent en plusieurs catégories :

  • des techniques de respiration contrôlée et de relaxation qui agissent par le biais du corps ;
  • des outils basés sur le dialogue interne et la concentration qui agissent par le biais des pensées et du mental ;
  • des techniques d’imagerie mentale pour renforcer la motivation, les performances et le ressenti de compétence.

La sophrologie est une méthode intéressante pour apprendre à gérer le stress.

 

CAPACITÉS SPÉCIFIQUES EN LIEN AVEC LES CNT

Une compétence non-technique se traduit concrètement par un ou plusieurs comportements (des bonnes pratiques, des réactions adaptées), mettant en jeu un certain nombre de capacités spécifiques : des capacités cognitives, des ressources internes et des qualités humaines. Par exemple, une bonne conscience de la situation requiert de mettre en œuvre des capacités spécifiques telles que : la vigilance, l’attention, la perception, l’analyse, la compréhension, le jugement, l’intuition, l’ouverture d’esprit, l’anticipation, etc. Ces capacités se développent au gré des vols. Quelques- unes sont développées ci-dessous.

L'attention et la vigilance

« L’attention et la vigilance » sont deux capacités qui constituent une ressource interne prépondérante pour une bonne conscience de la situation.

  • La vigilance correspond au niveau d’éveil du cerveau et à sa capacité à traiter les informations globales à un moment donné. L’alcool, la fatigue, certains médicaments, et les drogues altèrent le niveau de vigilance. La vigilance en vol est une attention particulière portée aux tournures possibles des événements. Cela prévient d’éventuelles menaces et préserve des dangers. Le niveau de vigilance est conditionné par la sensibilisation personnelle et les connaissances en matière de risques, ainsi qu’une bonne part de motivation personnelle...
  • L’attention correspond à un état de concentration de l’activité mentale sur un objet déterminé (ex. la route, le pilotage, les autres avions dans le circuit) et à la capacité du cerveau à traiter les informations liées à cette chose. Au niveau cognitif, l’attention permet la prise en compte des informations sensorielles (informations visuelles, signaux sonores, ressentis sensitifs, etc.) et celles émanant des pensées. Le cerveau peut sélectionner naturellement les données pertinentes mais aussi inhiber celles jugées inutiles : c’est la sélectivité de l’attention. À l’extrême, la sélectivité peut aller jusqu’à induire une « cécité attentionnelle » quand une chose sous nos yeux passe totalement inaperçue, ou bien une « surdité inattentionnelle » quand le son d’une alarme sonore avertissant d’un danger est occulté et n’induit pas de réaction.

Le partage d'attention

Le partage d’attention (ou division d’attention) est la capacité à effectuer simultanément deux tâches distinctes, ou à traiter deux types de signaux différents. Une tâche acquise et bien automatisée (ex. faire du vélo, marcher, conduire) permet de libérer de la ressource attentionnelle pour d’autres tâches, d’où la possibilité de « faire plusieurs choses » en même temps. En deux mots, pour exécuter une tâche il existe deux circuits cognitifs : un circuit « contrôlé » et un circuit « automatique ». Ces deux circuits se complètent, un peu comme des vases communicants : ce qui est géré par l’un libère de la place dans l’autre, 

et inversement.

 

Pour gérer simultanément deux tâches exigeantes et non automatisées, il faut forcer le mental à alterner l’attention par petites séquences répétitives, un peu comme on zapperait deux chaines de télévision pour pouvoir suivre deux films en même temps. L’entraînement régulier (en vol) permet d’automatiser énormément de petites tâches qui, mises bout à bout, libèrent de l’espace cognitif pour autre chose.

La capacité de jugement

La capacité de jugement est la faculté d’analyse qui précède la décision. C’est un processus cognitif complexe et lent. Le jugement d’une situation, c’est la sélection et la confrontation des informations perçue (données nouvelles) aux informations stockées (connaissances). Plusieurs données peuvent entrer en contradiction ou s’opposer. Le système de pensée réflexif pèsera le pour et le contre en imaginant des hypothèses, des scénarios et des issues possibles. Bien sûr, des facteurs irrationnels (biais, émotions), des pressions, et des influences ne manquent pas de s’inviter à la table des négociations. D’où une relative lenteur à produire une réponse… Selon les convictions, les certitudes, les croyances, les apprentissages, les recommandations, et tout un tas d’autres données, le jugement fera peser la décision finale dans une certaine direction. En aéronautique, le jugement du pilote est dit « fiable » s’il privilégie avant tout la sécurité mais également certaines données propres à l’entreprise (confort, rentabilité, économie de moyen, gain de temps, etc.). Un manque de jugeote décrit souvent un choix ou une décision basée sur une émotion, une pulsion et/ou une absence de réflexion suffisante.

La rigueur

L’arme permettant de combattre les tendances naturelles à s’écarter des bonnes pratiques s’appelle

« la rigueur ». La rigueur est un engagement moral permettant de respecter des procédures, des méthodes, des règles, des directives, etc. Mais la rigueur est quelque chose de fragile qui s’use avec le temps. Une petite remise en question de ses propres façons de faire permet de réactiver et entretenir la rigueur (un vol avec instructeur, une séance de simulateur, autres).

La capacité à prendre des initiatives

Cette  capacité  ou  qualité  humaine  est  une

composante de « l’affirmation de soi ». L’esprit d’initiative est la capacité personnelle à agir ou à initier quelque chose par soi-même dans l’intention de bien faire. L’initiative est une démarche proactive qui vise par exemples à gagner du carburant ou du temps, améliorer le confort, la sécurité, la rentabilité, ou bien réduire les efforts ou la difficulté d’une tâche, etc. L’initiative est jugée « bonne » si le résultat de l’intention est obtenu sans prise de risque inutile, ni transgression des règles, ni contribution excessive de ressources internes et externes.

L'ouverture d'esprit et la flexibilité mentale

L’ouverture d’esprit est une qualité qui permet, entre autres, de dépasser les préjugés (opinions préconçues), les habitudes, et les manifestations néfastes de l’ego (scrupules, fierté, etc.). C’est par exemple la capacité à accepter d’écouter un conseil, une recommandation, ou une remarque, en mettant de côté sa fierté.

 

La flexibilité ou souplesse mentale est la capacité à concevoir plusieurs possibilités pour résoudre un même problème. C’est accepter qu’il y ait plusieurs façons différentes pour faire des choses. C’est aussi la capacité à penser en dehors ou au-delà des normes ou des procédures. La flexibilité permet d’entreprendre un vol ou un projet en gardant présent à l’esprit qu’il faudra peut-être le modifier, l’annuler ou le reporter.

La capacité de raisonnement

Le raisonnement conscient permet d’interpréter, de traiter, de manipuler, d’agencer des informations réelles (visuelles, sonores, etc.) avec des données virtuelles (images, pensées abstraites, chiffres, mots). Ces pensées peuvent par exemple aboutir à prendre une décision ou avoir une simple opinion ou bien encore à faire un choix. En fait, le raisonne- ment peut aboutir à une infinité d’options. Il y a deux grandes stratégies de raisonnement.

  • Le raisonnement logique dont voici quelques

« actes mentaux » : calculs logico-mathématiques, approches pragmatique et scientifique, corrélations, déduction logique, analyse méthodique, vérification des informations, recherche de cohérence, critique argumentée, évaluation objective, prise en compte d’éléments uniquement factuels. Le résultat de ce type de raisonnement est certes fiable, mais le traitement de l’information est long, contraignant, et très couteux en énergie.

  • Le traitement de l’information dit « heuristique » :
  • l’heuristique est un raccourci de pensée emprunté lorsque les exigences d’une tâche cognitive sont trop élevées (délai-temps et/ou complexité). Les biais cognitifs en font partis. Ainsi il est plus facile et moins couteux de formuler des jugements, des croyances, des idées préconçues, des impressions, des raccourcis, des approximations, des ressentis, des hypothèses, des opinions subjectifs plutôt que de recourir aux pensées rationnelles (économie cognitive).
DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE
  • Rhona Flin et al. / Safety at the sharp end:  A guide to Non-Technical Skills – 2008
  • Guillaume  Tirtiaux  / Mieux  réussir  ensemble / Edipro 2019

 SITES WEB DE RÉFÉRENCE

  • https:// www. a e rov f r. com / 2023 / 01 / d e- l a - conscience-de-la-situation/
  • https://blog.mentalpilote.com/2011/03/07/les-cles- de-la-performance-du-pilote/

POUR EN SAVOIR PLUS

Compétences non techniques et TEM - Explications et cas concrets par Pascal Berriot, édition Cépaduès, référence 1925, ISBN 978.2.36493.925.7, 156 pages,

2022




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